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Uwe Rahn et l’histoire du but le plus rapide de l’histoire de la DFB

Uwe Rahn (57 ans) n’a eu besoin que d’un seul ballon pour écrire l’histoire de la sélection allemande. Le 17 octobre 1984, lors d’un match de qualification pour la Coupe du Monde à Cologne, Rahn, encore vierge de toute sélection, est appelé par le sélectionneur Franz Beckenbauer pour remplacer Felix Magath. 19 secondes plus tard, le ballon se trouve au fond des filets : les débuts d’Uwe Rahn en équipe nationale d’Allemagne furent spectaculaires. Historiques également, puisqu’aucun débutant de la Nationalmannschaft n’a depuis marqué aussi rapidement. 35 années ont passé mais Rahn revient pour DFB.de sur ces 19 secondes et sur son expérience en sélection.

DFB.de : De nos jours, quand Joachim Löw sélectionne un joueur, il prend son téléphone et l’appelle. Comment cela se passait à votre époque ? Etiez-vous surpris que Franz Beckenbauer vous contacte ?

Uwe Rahn : Disons que ce n’est pas venu de nulle part. A Gladbach j’avais eu une longue et bonne période, où je jouais bien, donnais des passes décisives et marquais. Mon nom revenait de plus en plus souvent dans la presse quand il était question de la Nationalmannschaft. Franz Beckenbauer avait aussi des déclarations à mon endroit allant dans le sens d’une éventuelle sélection. Un jour, je reçois une lettre de la DFB dans laquelle on m’annonce que je suis sélectionné pour le match contre la Suède. On ne peut pas dire que j’étais complètement surpris !

DFB.de : On imagine tout de même qu’être appelé pour représenter l’équipe nationale, cela vous a fait quelque chose ? Ou avez-vous appréhendé cette nouvelle avec une grande sobriété ?

Rahn : Forcément c’était génial, j’étais fier et je l’ai annoncé à tout le monde. La sélection a vraiment représenté quelque chose pour moi, une sorte de consécration. Je me souviens également qu’après l’annonce de ma sélection, juste avant le rassemblement avec l’équipe nationale, nous avions joué contre Braunschweig avec Mönchengladbach. Nous avons gagné 10-0, j’ai inscrit un triplé ce jour-là. On peut donc dire que la perspective de ma première sélection m’avait bien inspiré.

DFB.de : Est-ce que Jupp Heynckes, votre entraîneur à Gladbach à ce moment-là, vous a donné des conseils particuliers avant que vous rejoigniez l’équipe nationale ? Rahn : Il était content pour moi. Il m’a dit que j’avais vraiment mérité ma convocation. Il a essayé de me mettre en confiance et m’a conseillé de ne rien faire de spécial pour l’événement. « Joue ton jeu, sois toi-même, sois détendu, et tout ira pour le mieux. »

DFB.de : En tant que nouveau venu, vous avez eu le droit à une conversation avec le sélectionneur peu après votre arrivée. Vous en souvenez-vous encore ?

Rahn : Plus dans le détail. C’était une discussion classique. Ce dont je me souviens, c’est que Franz ne m’a fait aucune promesse. Il avait affirmé qu’il devait observer comment le match allait se dérouler, et que c’est seulement après qu’il donnerait sa chance aux remplaçants. Puisque j’étais ambitieux, j’étais d’abord naturellement déçu de ces propos… mais avec le recul de mes trente-cinq années supplémentaires, je les comprends mieux aujourd’hui. C’était le premier match de la phase de qualification, des joueurs comme Karl-Heinz Rummenigge, Rudi Völler, Klaus Allofs ou Felix Magath étaient dans la sélection. C’était des monstres, alors que je n’étais qu’un jeune joueur. Il est compréhensible que l’entraîneur s’appuie d’abord sur les joueurs plus expérimentés.

DFB.de : Quelles ont été vos autres premières impressions en vous retrouvant au milieu des meilleurs joueurs du pays ? Comment avez-vous été accueilli par vos coéquipiers ?

Rahn : C’est une situation particulière, surtout que vous pouvez vous faire des scénarios dans la tête les jours auparavant. Je ne peux nier qu’il y avait une certaine excitation. Je connaissais déjà certains joueurs, comme Lothar Matthäus, Frank Mill, ou Andy Brehme, mais beaucoup ne m’étaient que vaguement familiers, grâce aux matches de Bundesliga. Mais j’avais été très bien accueilli. Je me suis très rapidement senti intégré, l’atmosphère était bonne. Personne n’était arrogant, au contraire les joueurs étaient très accessibles.

DFB.de : Vous avez partagé la chambre de Karl-Heinz Rummenigge. Comment était-il comme camarade de chambre ?

Rahn : Ce n’était pas le cas pour le rassemblement du match contre la Suède, mais ce le fut plus tard, effectivement. C’était agréable, nous nous sommes très bien entendus. Les soirs nous buvions souvent une bière ensemble après le repas, et il nous arrivait aussi d’avoir de longues conversations dans la chambre, parfois sur des sujets n’ayant rien à voir avec le foot ! Rummenigge m’a beaucoup aidé, dans plein de domaines. Je ne peux vraiment dire que du positif à son endroit.

DFB.de : Le match contre la Suède était également le premier match officiel de Franz Beckenbauer comme sélectionneur, cela fut votre premier match international, mais ce fut également le premier match avant lequel l’équipe a chanté l’hymne national. Racontez-nous cet événement.

Rahn : Au préalable, il y a clairement la consigne de chanter l’hymne, et nous l’avons fait. Beaucoup d’entre-nous, y compris moi-même, n’avions pas encore appris le texte. Avec le recul, l’image est presque mignonne : nous nous sommes assis et nous avons répété l’hymne. Ce n’est que plus tard que cet enjeu a émergé dans une toute autre direction. Nous avions décidé de chanter, c’était clair pour nous. Ce n’était pas un message politique ou quoi que ce soit de cette nature, il s’agissait simplement de suivre les recommandations du sélectionneur.

DFB.de : Vous commencez le match sur le banc des remplaçants. Le staff et les remplaçants ont-ils également chanté au moment des hymnes ?

Rahn : Oui, et comment !

DFB.de : Passons au match. L’Allemagne est supérieure, mais manque plusieurs occasions. Thomas Ravelli, dans les buts suédois, est dans un jour de grâce. Avouez : vos espoirs de faire vos grands débuts ont grandi après chaque possibilité non concrétisée, non ?

Rahn : Non, non, non ! C’est une question de caractère, je ne réfléchissais pas comme cela. Je voulais forcément entrer en jeu, bien sûr. Mais les footballeurs font partie d’une équipe, et souhaiter l’échec de son équipe pour des raisons égoïstes, ça ne marche pas. Et puis, ce n’est pas comme si ce match représentait mon unique et dernière chance de m’imposer dans la Nationalmannschaft. J’avais confiance en mes capacités et étais persuadé, que tôt ou tard, je finirais par avoir ma chance avec l’équipe.

DFB.de : Et finalement, vous l’avez à l’occasion de ce match contre la Suède. Beckenbauer vous dit d’aller vous échauffer.

Rahn : Oui. Et à partir de ce moment, il y avait une atmosphère particulière à Cologne. J’ai toujours eu de bonnes sensations dans ce stade, avec Gladbach j’ai quasiment marqué à chaque fois quand nous nous déplacions sur la pelouse du FC Cologne. Il y avait une certaine tension dans l’air, c’était net pour les supporters ce jour-là.

DFB.de : Quels sont les derniers mots de Franz Beckenbauer avant votre entrée sur le terrain ?

Rahn : Je ne me souviens plus de ses mots exacts, mais il me dit des choses positives et motivantes.

DFB.de : Vous entrez sur le terrain… et peu après le ballon se trouve au fond des filets. Quels mots mettriez-vous aujourd’hui sur ces 19 secondes entre votre entrée en jeu et votre but ?

Rahn : Je vois Allofs se débarrasser de deux Suédois au milieu de terrain, puis j’aperçois que j’ai de l’espace, je fais un appel et montre du doigt à Allofs l’endroit où je veux avoir la balle. Il me la met parfaitement, je frappe, la balle passe sous Ravelli, poteau intérieur, but. Je le décris ainsi, mais je ne suis pas sûr que le déroulé de cette action soit vraiment compréhensible pour un observateur extérieur. C’était comme dans un rêve que je n’aurais jamais osé faire ! Première sélection, premier ballon, premier but. C’est très spécial et savoureux comme moment.

DFB.de : Deux options se présentent à vous lorsque vous tirez : placer la balle sous Ravelli, au premier poteau ou un ballon piqué dans le coin opposé.

Rahn : Même si ça remonte à mes jeunes années, je peux encore me souvenir de ce qui m’est passé par la tête quand Ravelli est venu à ma rencontre. C’était aussi possible d’imaginer, que j’allais le contourner sur sa gauche en conduisant la balle de l’extérieur du pied. Mais quand il s’est approché, l’option « glisser la balle sous son corps » me semblait être la meilleure. Ce but est aussi un peu teinté de hasard et de chance. Je n’avais plus les yeux guidés vers les buts. Mon seul objectif, c’est de récupérer la balle alors que Ravelli est en train de se coucher. Le fait que la balle passe dans ce trou de souris et rejoigne les filets… il y a une indéniable part de chance dans ce but.

DFB.de : Lors de la célébration, vous avez couru sur la piste et avez reçu un carton jaune.

Rahn : J’ai reçu quoi ?

DFB.de : Un carton jaune.

Rahn : C’est nouveau ça. Enfin si, c’est possible. Je me souviens surtout avoir reçu un coup et de n’avoir pas pu célébrer comme je le voulais.

DFB .de : Qu’avez-vous eu comme retour de la part de Franz Beckenbauer après le match ?

Rahn : Je me suis entretenu avec lui et si je me rappelle bien, nous avions une causerie le lendemain. Bien sûr, il m’a félicité et m’a encouragé à continuer sur cette voie.

DFB.de : Vous étiez déjà en vue avant, mais ce match a fait de vous une star nationale. Comment avez-vous vécu cette hype ?

Rahn : Les gens me reconnaissaient partout où j’allais, et me demandaient des autographes. Les médias se sont aussi intéressés à moi. Et pour être honnête, j’ai apprécié ce moment. ça a clairement flatté mon égo. À cette époque, j’ai vécu beaucoup de choses assez inhabituelles pour un jeune joueur, et j’en ai retiré beaucoup de choses positives.

DFB.de : Ce n’était pas la fin de votre carrière internationale. Vous avez connu en tout 13 sélections.

Rahn : Trop peu.

DFB.de : Le match contre la Suède était-il déjà le sommet de votre carrière internationale ?

Rahn : J’ai disputé d’autres rencontres, et encore marqué des buts. Mais c’est sûr que je n’ai rien vécu d’aussi fort que ce but pour mes débuts avec l’équipe nationale.

DFB.de : Même pas la coupe du monde 1986 au Mexique, où vous allez jusqu’en finale ?

Rahn : Pour moi, c’était une grande expérience. D’abord grâce à ce qu’il s’est passé avant.

DFB.de : Votre rupture du ligament ?

Rahn : Exactement. Lors d’une course en forêt, j’ai trébuché sur une racine. Peu de gens pensaient que je pourrais revenir à temps pour disputer le Mondial. Mais j’ai réussi. Là-bas, ça a été une expérience inoubliable. Vivre une telle Coupe du Monde comme joueur, qui n’en rêverait pas ? C’était incroyable !

DFB.de : Vous étiez déçu de ne pas avoir joué durant toute la compétition ?

Rahn : Je comprenais mon rôle. J’étais encore un jeune joueur, j’étais un challenger et pour moi c’était clair que Beckenbauer comptait plus sur d’autres joueurs. Malgré tout, c’était quand même mon objectif de pouvoir aider l’équipe, de jouer et de marquer des buts. De ne pas avoir eu la moindre possibilité de me montrer, ce n’était bien entendu pas facile à vivre. Nous étions déjà qualifiés avant le dernier match de groupe contre le Danemark, à ce moment-là je pensais que je méritais de jouer.

DFB.de : Et aujourd’hui ? Comment jugez-vous la décision de Beckenbauer ?

Rahn : C’était il y a longtemps. Je ne suis pas rancunier. Je préfère penser à ce que j’ai retiré de positif de ce Mondial au Mexique. Je me souviens encore lorsque je suis sorti du vestiaire lors de la finale et suis tombé sur Diego Maradona. Ça signifie vraiment quelque chose pour moi. Ce n’est pas rien d’être parvenu jusque là. J’ai vraiment profité de cette Coupe du Monde, aussi du fait de m’être entraîné avec l’équipe nationale.

DFB.de : À la suite de cela, vous avez vécu votre plus belle saison. Vous terminez meilleur buteur avec 24 réalisations, et êtes élu footballeur de l’année. Pensez-vous qu’il y a un lien entre vos bonnes performances et ce Mondial au Mexique ?

Rahn : Peut-être. De toute façon, je n’ai ai pas eu l’occasion de la confirmer.

DFB.de : Après la meilleure saison de votre carrière, vous n’avez plus connu qu’une seule sélection. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ça n’a pas aussi bien marché pour vous ensuite ?

Rahn : Ce sont plein de petits détails. J’ai eu beaucoup de blessures, je dois aussi reconnaître que mes performances n’ont pas été aussi bonnes non plus. D’autres ont su saisir leur chance et assez vite, j’ai arrêté d’être appelé.

DFB.de : Êtes-vous malgré tout satisfait de votre carrière ?

Rahn : J’aurais volontiers joué plus souvent avec l’équipe nationale, et j’aurais également voulu gagner plus de titres avec mes différents clubs. Mais j’ai réalisé mon rêve, celui de jouer en Bundesliga et en équipe d’Allemagne. Je pense que j’ai fait plus de bonnes choses que de mauvaises, j’ai rencontré des personnes exceptionnelles, et j’ai vécu des expériences très intéressantes. Le football a été un moment essentiel dans ma vie. Comment pourrais-je ne pas être satisfait de tout ce que j’ai vécu ?

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Uwe Rahn (57 ans) n’a eu besoin que d’un seul ballon pour écrire l’histoire de la sélection allemande. Le 17 octobre 1984, lors d’un match de qualification pour la Coupe du Monde à Cologne, Rahn, encore vierge de toute sélection, est appelé par le sélectionneur Franz Beckenbauer pour remplacer Felix Magath. 19 secondes plus tard, le ballon se trouve au fond des filets : les débuts d’Uwe Rahn en équipe nationale d’Allemagne furent spectaculaires. Historiques également, puisqu’aucun débutant de la Nationalmannschaft n’a depuis marqué aussi rapidement. 35 années ont passé mais Rahn revient pour DFB.de sur ces 19 secondes et sur son expérience en sélection.

DFB.de : De nos jours, quand Joachim Löw sélectionne un joueur, il prend son téléphone et l’appelle. Comment cela se passait à votre époque ? Etiez-vous surpris que Franz Beckenbauer vous contacte ?

Uwe Rahn : Disons que ce n’est pas venu de nulle part. A Gladbach j’avais eu une longue et bonne période, où je jouais bien, donnais des passes décisives et marquais. Mon nom revenait de plus en plus souvent dans la presse quand il était question de la Nationalmannschaft. Franz Beckenbauer avait aussi des déclarations à mon endroit allant dans le sens d’une éventuelle sélection. Un jour, je reçois une lettre de la DFB dans laquelle on m’annonce que je suis sélectionné pour le match contre la Suède. On ne peut pas dire que j’étais complètement surpris !

DFB.de : On imagine tout de même qu’être appelé pour représenter l’équipe nationale, cela vous a fait quelque chose ? Ou avez-vous appréhendé cette nouvelle avec une grande sobriété ?

Rahn : Forcément c’était génial, j’étais fier et je l’ai annoncé à tout le monde. La sélection a vraiment représenté quelque chose pour moi, une sorte de consécration. Je me souviens également qu’après l’annonce de ma sélection, juste avant le rassemblement avec l’équipe nationale, nous avions joué contre Braunschweig avec Mönchengladbach. Nous avons gagné 10-0, j’ai inscrit un triplé ce jour-là. On peut donc dire que la perspective de ma première sélection m’avait bien inspiré.

DFB.de : Est-ce que Jupp Heynckes, votre entraîneur à Gladbach à ce moment-là, vous a donné des conseils particuliers avant que vous rejoigniez l’équipe nationale ? Rahn : Il était content pour moi. Il m’a dit que j’avais vraiment mérité ma convocation. Il a essayé de me mettre en confiance et m’a conseillé de ne rien faire de spécial pour l’événement. « Joue ton jeu, sois toi-même, sois détendu, et tout ira pour le mieux. »

DFB.de : En tant que nouveau venu, vous avez eu le droit à une conversation avec le sélectionneur peu après votre arrivée. Vous en souvenez-vous encore ?

Rahn : Plus dans le détail. C’était une discussion classique. Ce dont je me souviens, c’est que Franz ne m’a fait aucune promesse. Il avait affirmé qu’il devait observer comment le match allait se dérouler, et que c’est seulement après qu’il donnerait sa chance aux remplaçants. Puisque j’étais ambitieux, j’étais d’abord naturellement déçu de ces propos… mais avec le recul de mes trente-cinq années supplémentaires, je les comprends mieux aujourd’hui. C’était le premier match de la phase de qualification, des joueurs comme Karl-Heinz Rummenigge, Rudi Völler, Klaus Allofs ou Felix Magath étaient dans la sélection. C’était des monstres, alors que je n’étais qu’un jeune joueur. Il est compréhensible que l’entraîneur s’appuie d’abord sur les joueurs plus expérimentés.

DFB.de : Quelles ont été vos autres premières impressions en vous retrouvant au milieu des meilleurs joueurs du pays ? Comment avez-vous été accueilli par vos coéquipiers ?

Rahn : C’est une situation particulière, surtout que vous pouvez vous faire des scénarios dans la tête les jours auparavant. Je ne peux nier qu’il y avait une certaine excitation. Je connaissais déjà certains joueurs, comme Lothar Matthäus, Frank Mill, ou Andy Brehme, mais beaucoup ne m’étaient que vaguement familiers, grâce aux matches de Bundesliga. Mais j’avais été très bien accueilli. Je me suis très rapidement senti intégré, l’atmosphère était bonne. Personne n’était arrogant, au contraire les joueurs étaient très accessibles.

DFB.de : Vous avez partagé la chambre de Karl-Heinz Rummenigge. Comment était-il comme camarade de chambre ?

Rahn : Ce n’était pas le cas pour le rassemblement du match contre la Suède, mais ce le fut plus tard, effectivement. C’était agréable, nous nous sommes très bien entendus. Les soirs nous buvions souvent une bière ensemble après le repas, et il nous arrivait aussi d’avoir de longues conversations dans la chambre, parfois sur des sujets n’ayant rien à voir avec le foot ! Rummenigge m’a beaucoup aidé, dans plein de domaines. Je ne peux vraiment dire que du positif à son endroit.

DFB.de : Le match contre la Suède était également le premier match officiel de Franz Beckenbauer comme sélectionneur, cela fut votre premier match international, mais ce fut également le premier match avant lequel l’équipe a chanté l’hymne national. Racontez-nous cet événement.

Rahn : Au préalable, il y a clairement la consigne de chanter l’hymne, et nous l’avons fait. Beaucoup d’entre-nous, y compris moi-même, n’avions pas encore appris le texte. Avec le recul, l’image est presque mignonne : nous nous sommes assis et nous avons répété l’hymne. Ce n’est que plus tard que cet enjeu a émergé dans une toute autre direction. Nous avions décidé de chanter, c’était clair pour nous. Ce n’était pas un message politique ou quoi que ce soit de cette nature, il s’agissait simplement de suivre les recommandations du sélectionneur.

DFB.de : Vous commencez le match sur le banc des remplaçants. Le staff et les remplaçants ont-ils également chanté au moment des hymnes ?

Rahn : Oui, et comment !

DFB.de : Passons au match. L’Allemagne est supérieure, mais manque plusieurs occasions. Thomas Ravelli, dans les buts suédois, est dans un jour de grâce. Avouez : vos espoirs de faire vos grands débuts ont grandi après chaque possibilité non concrétisée, non ?

Rahn : Non, non, non ! C’est une question de caractère, je ne réfléchissais pas comme cela. Je voulais forcément entrer en jeu, bien sûr. Mais les footballeurs font partie d’une équipe, et souhaiter l’échec de son équipe pour des raisons égoïstes, ça ne marche pas. Et puis, ce n’est pas comme si ce match représentait mon unique et dernière chance de m’imposer dans la Nationalmannschaft. J’avais confiance en mes capacités et étais persuadé, que tôt ou tard, je finirais par avoir ma chance avec l’équipe.

DFB.de : Et finalement, vous l’avez à l’occasion de ce match contre la Suède. Beckenbauer vous dit d’aller vous échauffer.

Rahn : Oui. Et à partir de ce moment, il y avait une atmosphère particulière à Cologne. J’ai toujours eu de bonnes sensations dans ce stade, avec Gladbach j’ai quasiment marqué à chaque fois quand nous nous déplacions sur la pelouse du FC Cologne. Il y avait une certaine tension dans l’air, c’était net pour les supporters ce jour-là.

DFB.de : Quels sont les derniers mots de Franz Beckenbauer avant votre entrée sur le terrain ?

Rahn : Je ne me souviens plus de ses mots exacts, mais il me dit des choses positives et motivantes.

DFB.de : Vous entrez sur le terrain… et peu après le ballon se trouve au fond des filets. Quels mots mettriez-vous aujourd’hui sur ces 19 secondes entre votre entrée en jeu et votre but ?

Rahn : Je vois Allofs se débarrasser de deux Suédois au milieu de terrain, puis j’aperçois que j’ai de l’espace, je fais un appel et montre du doigt à Allofs l’endroit où je veux avoir la balle. Il me la met parfaitement, je frappe, la balle passe sous Ravelli, poteau intérieur, but. Je le décris ainsi, mais je ne suis pas sûr que le déroulé de cette action soit vraiment compréhensible pour un observateur extérieur. C’était comme dans un rêve que je n’aurais jamais osé faire ! Première sélection, premier ballon, premier but. C’est très spécial et savoureux comme moment.

DFB.de : Deux options se présentent à vous lorsque vous tirez : placer la balle sous Ravelli, au premier poteau ou un ballon piqué dans le coin opposé.

Rahn : Même si ça remonte à mes jeunes années, je peux encore me souvenir de ce qui m’est passé par la tête quand Ravelli est venu à ma rencontre. C’était aussi possible d’imaginer, que j’allais le contourner sur sa gauche en conduisant la balle de l’extérieur du pied. Mais quand il s’est approché, l’option « glisser la balle sous son corps » me semblait être la meilleure. Ce but est aussi un peu teinté de hasard et de chance. Je n’avais plus les yeux guidés vers les buts. Mon seul objectif, c’est de récupérer la balle alors que Ravelli est en train de se coucher. Le fait que la balle passe dans ce trou de souris et rejoigne les filets… il y a une indéniable part de chance dans ce but.

DFB.de : Lors de la célébration, vous avez couru sur la piste et avez reçu un carton jaune.

Rahn : J’ai reçu quoi ?

DFB.de : Un carton jaune.

Rahn : C’est nouveau ça. Enfin si, c’est possible. Je me souviens surtout avoir reçu un coup et de n’avoir pas pu célébrer comme je le voulais.

DFB .de : Qu’avez-vous eu comme retour de la part de Franz Beckenbauer après le match ?

Rahn : Je me suis entretenu avec lui et si je me rappelle bien, nous avions une causerie le lendemain. Bien sûr, il m’a félicité et m’a encouragé à continuer sur cette voie.

DFB.de : Vous étiez déjà en vue avant, mais ce match a fait de vous une star nationale. Comment avez-vous vécu cette hype ?

Rahn : Les gens me reconnaissaient partout où j’allais, et me demandaient des autographes. Les médias se sont aussi intéressés à moi. Et pour être honnête, j’ai apprécié ce moment. ça a clairement flatté mon égo. À cette époque, j’ai vécu beaucoup de choses assez inhabituelles pour un jeune joueur, et j’en ai retiré beaucoup de choses positives.

DFB.de : Ce n’était pas la fin de votre carrière internationale. Vous avez connu en tout 13 sélections.

Rahn : Trop peu.

DFB.de : Le match contre la Suède était-il déjà le sommet de votre carrière internationale ?

Rahn : J’ai disputé d’autres rencontres, et encore marqué des buts. Mais c’est sûr que je n’ai rien vécu d’aussi fort que ce but pour mes débuts avec l’équipe nationale.

DFB.de : Même pas la coupe du monde 1986 au Mexique, où vous allez jusqu’en finale ?

Rahn : Pour moi, c’était une grande expérience. D’abord grâce à ce qu’il s’est passé avant.

DFB.de : Votre rupture du ligament ?

Rahn : Exactement. Lors d’une course en forêt, j’ai trébuché sur une racine. Peu de gens pensaient que je pourrais revenir à temps pour disputer le Mondial. Mais j’ai réussi. Là-bas, ça a été une expérience inoubliable. Vivre une telle Coupe du Monde comme joueur, qui n’en rêverait pas ? C’était incroyable !

DFB.de : Vous étiez déçu de ne pas avoir joué durant toute la compétition ?

Rahn : Je comprenais mon rôle. J’étais encore un jeune joueur, j’étais un challenger et pour moi c’était clair que Beckenbauer comptait plus sur d’autres joueurs. Malgré tout, c’était quand même mon objectif de pouvoir aider l’équipe, de jouer et de marquer des buts. De ne pas avoir eu la moindre possibilité de me montrer, ce n’était bien entendu pas facile à vivre. Nous étions déjà qualifiés avant le dernier match de groupe contre le Danemark, à ce moment-là je pensais que je méritais de jouer.

DFB.de : Et aujourd’hui ? Comment jugez-vous la décision de Beckenbauer ?

Rahn : C’était il y a longtemps. Je ne suis pas rancunier. Je préfère penser à ce que j’ai retiré de positif de ce Mondial au Mexique. Je me souviens encore lorsque je suis sorti du vestiaire lors de la finale et suis tombé sur Diego Maradona. Ça signifie vraiment quelque chose pour moi. Ce n’est pas rien d’être parvenu jusque là. J’ai vraiment profité de cette Coupe du Monde, aussi du fait de m’être entraîné avec l’équipe nationale.

DFB.de : À la suite de cela, vous avez vécu votre plus belle saison. Vous terminez meilleur buteur avec 24 réalisations, et êtes élu footballeur de l’année. Pensez-vous qu’il y a un lien entre vos bonnes performances et ce Mondial au Mexique ?

Rahn : Peut-être. De toute façon, je n’ai ai pas eu l’occasion de la confirmer.

DFB.de : Après la meilleure saison de votre carrière, vous n’avez plus connu qu’une seule sélection. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ça n’a pas aussi bien marché pour vous ensuite ?

Rahn : Ce sont plein de petits détails. J’ai eu beaucoup de blessures, je dois aussi reconnaître que mes performances n’ont pas été aussi bonnes non plus. D’autres ont su saisir leur chance et assez vite, j’ai arrêté d’être appelé.

DFB.de : Êtes-vous malgré tout satisfait de votre carrière ?

Rahn : J’aurais volontiers joué plus souvent avec l’équipe nationale, et j’aurais également voulu gagner plus de titres avec mes différents clubs. Mais j’ai réalisé mon rêve, celui de jouer en Bundesliga et en équipe d’Allemagne. Je pense que j’ai fait plus de bonnes choses que de mauvaises, j’ai rencontré des personnes exceptionnelles, et j’ai vécu des expériences très intéressantes. Le football a été un moment essentiel dans ma vie. Comment pourrais-je ne pas être satisfait de tout ce que j’ai vécu ?

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