Le football allemand est toujours sous l'emprise du coronavirus. En interview pour DFB.de, le secrétaire général de la fédération allemande de football Friedrich Curtius s'exprime sur la situation actuelle et souligne la solidarité entre joueurs, associations et clubs.
DFB.de : Il y a quelques temps, vous disiez que le moment était venu pour la société d'agir en bloc. En ce moment, comment voyez-vous le rôle que joue le football dans cette société ?
Friedrich Curtius : Je vois un football, qui, comme le reste de la société, se trouve dans une mauvaise passe. Nous voyons que le monde entier se trouve au devant d'un défi inédit et une seule question demeure : comment pouvons-nous combattre le coronavirus ? Cela a des conséquences non seulement sur notre vie à tous mais aussi sur le football et la fédération. Le monde du football veut aussi prendre part à la lutte contre la propagation du virus. C'est pour cela que nous avons suspendu les matchs et les entraînements. Cela représente environ 80 000 matchs par semaine. En même temps, nous voulons être prêts pour le moment de la reprise, quand nous reprendrons nos vies normales. Je ne peux que constater l'engagement total et la cohésion qui règne entre les membres de la DFB, de la DFL, des ligues inférieures et des clubs.
DFB.de : On assiste aussi à l'éclosion de nombreuses initiatives de la part des joueurs et des clubs ; cela démontre une cohésion indéniable.
Curtius : En effet, c'est vraiment très impressionnant. On voit de tout, du plus petit geste à des actions colossales ; tout a commencé il y a une semaine avec le don de 2,5 millions d'euros de la part de nos internationaux. Cette action a eu un impact incroyable, de nombreuses autres stars ont fait des dons significatifs après cette annonce. Mais il ne faut pas négliger l'impact des clubs amateurs qui se sont aussi engagés dans cette lutte, notamment en s'occupant de faire les courses pour les personnes à risque. Cela montre la solidarité et la compassion des amateurs de football.
DFB.de : La semaine dernière, quel a été l'importance de prendre la décision de repousser l'EURO à l'unanimité ?
Curtius : C'était très important, sans aucun doute. J'ai participé à cette vidéoconférence et j'ai vu combien le président de l'UEFA Aleksander Ceferin a été soulagé de voir cette décision prise. Toutes les fédérations nationales étaient d'accord et la FIFA a également donné son aval. C'est très clair, cette décision est amère, mais, face à cette situation, il n'y avait pas d'alternative. Nous sommes tous dans le même bateau et nous avons entre les mains la responsabilité du football et de tous ceux qui le pratiquent.
DFB.de : Comment la DFB assume-t-elle cette responsabilité à l'égard des associations et des clubs ?
Curtius : Nous voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider. C'est pourquoi nous avons commencé très tôt à examiner ce que nous sommes légalement et fiscalement autorisés à faire. Notre trésorier Stephan Osnabrügge s'est déjà exprimé clairement sur ce sujet. Nous n'avons pas le droit de subventionner directement les clubs, mais nous avons déjà prévenu les fédérations régionales que nous serons plus flexibles dans le versement des subventions. Certains versements ne sont programmés qu'au deuxième semestre, mais nous ferons ces versements quand le besoin s'en fera sentir, et nous avons d'ailleurs déjà commencé. De cette manière, nous voulons alléger la charge qui pèse sur les fédérations régionales. Actuellement, nous travaillons sur la meilleure façon d'aider les clubs de troisième division et de Bundesliga féminine à traverser cette crise. Il y a de nombreux obstacles juridiques et fiscaux à surmonter ; les subventions et les prêts de la part de la DFB ne sont par exemple pas possibles. Nous réfléchissons à d'autres mesures que nous pouvons prendre pour les clubs.
DFB.de : En tant que président, que pensez-vous du travail accompli par la fédération ?
Curtius : Je suis vraiment fier de ce que nous sommes en train d'accomplir. Je n'ai entendu personne se plaindre, ni vu personne baisser les bras. Au contraire, tout ce que j'entends de la part de mes collègues me remonte le moral et m'encourage à continuer dans cette voie. Le message est clair ; nous allons traverser cette crise tous ensemble. Nous allons réussir tous ensemble.
DFB.de : Concrètement, que fait la DFB pour lutter contre la propagation du virus ?
Curtius : Pour l'instant, nous avons reporté tous les matchs. C'est une décision inédite, mais c'est une décision nécessaire. Ensuite, depuis une semaine et demi, nos employés travaillent pour la plupart depuis chez eux, sauf ceux dont la présence sur place est indispensable. Nous sommes contents d'avoir la possibilité de mettre en place ces mesures. Cela simplifie énormément la situation et je remercie les équipes informatiques d'avoir rendu cela possible.
DFB.de : Vous avez aussi monté une équipe de réponse à la crise du coronavirus il y a de cela quatre semaines, ce qui était relativement tôt. Qui sont les membres de ce groupe ? Quel est le rôle de cette équipe dans la gestion des tâches en cette période de crise ?
Curtius : Mettre en place ce groupe si tôt était une excellente idée. Cela nous a permis de réagir à temps aux différentes évolutions. Le groupe est composé du président Fritz Keller, de représentants de la DFL et des ligues régionales mais aussi de membres de la DFB et du médecin de la Mannschaft Tim Meyer, qui nous fait profiter de son avis d'expert. Nous nous sommes réunis chaque matin à 8h30 par vidéoconférence pour recueillir toute nouvelle information, les comparer et pouvoir prendre les mesures adéquates. C'est comme ça que nous avons pu décider si tôt du report des matchs de troisième division ou de la suspension des matchs des ligues régionales. Cette équipe a prouvé son efficacité et a été d'une grande aide dans la gestion de la crise. Tout le monde veut apporter sa pierre à l'édifice.
DFB.de : La situation actuelle vous a-t-elle appris quelque chose ?
Curtius : Oui, l’humilité, devant une situation que je n’avais encore jamais imaginée. La flexibilité, aussi : ce qui est vrai aujourd’hui peut être complètement caduc demain. Arriver à gérer cela est pour moi le plus grand défi d’un point de vue personnel, mais aussi pour l’ensemble de l’institution. Il est d’autant plus important que le football reste soudé, du plus bas échelon au plus élevé.
DFB.de : Quels sont les sujets les plus urgents abordés par la fédération ?
Curtius : L’essentiel est que notre système de santé puisse faire face à cette pandémie. Nous pouvons y contribuer en suivant les recommandations et en évitant les contacts avec d’autres personnes, dans la mesure du possible. Cela doit être clair pour chacun, et nous voulons que le football serve d’exemple. Mais quand il sera temps de recommencer à jouer, nous devrons réorganiser les compétitions dans un but précis. Personne n’en connait pour l’heure le moment, ni la forme. Il y aura selon moi des différences entre les footballs professionnel et amateur, car le football professionnel devra se préparer à disputer des matchs sans spectateurs. Il n’y a pas d’autres solutions. Il ne s’agit pas uniquement de considérations financières : le football, dans cette phase difficile, peut véhiculer de l’espoir et de la joie, ce que nous ne devrions pas sous-estimer.
DFB.de : Avez-vous des exemples précis quant aux conséquences directes de la situation actuelle sur le travail de la DFB ?
Curtius : Aucun service n’est épargné. L’exemple le plus frappant est certainement la Mannschaft, dont les matchs contre l’Espagne et l’Italie ont dû être annulés, impliquant de sérieuses conséquences organisationnelles et financières, tout comme le report de l’EURO. Les différents services – droit, finances, personnel, organisation, digital, communication, sportif – font face à ces nombreuses difficultés.
DFB.de : Cette phase a-t-elle des conséquences sur la construction des nouveaux locaux de la DFB et de son académie ?
Curtius : À ce jour, les travaux se poursuivent. Nous échangeons constamment avec notre équipe chargée du projet et notre coordinateur de travaux Groβ & Partner. Il s’agit de notre projet du siècle, nous y construisons l’avenir de notre fédération. Ici aussi, il faut être responsable vis-à-vis des parties contractantes, qui comptent sur la parole de la DFB. Ainsi, tant que cela sera faisable d’un point de vue sanitaire, les travaux se poursuivront.
DFB.de : La Fédération est-elle aussi concernée par le chômage partiel ?
Curtius : Nous devons garder ce sujet à l’esprit, mais ça n’est pas une priorité au vu de notre situation actuelle. Le cas échéant, des mesures s’appliqueront plus tard. Cela dépend du déroulement de cette crise. Nous espérons bien sûr ne pas devoir y recourir, comme nous l’avons déclaré à nos collègues lors de notre récente réunion en ligne du personnel.
DFB.de : Êtes-vous déjà en mesure d’estimer les conséquences qu’aura cette crise sur l’avenir du football ?
Curtius : Je suis convaincu d’une chose : plus le football traitera cette crise de manière responsable, plus il en sortira renforcé. Si nous continuons à envoyer des signes forts, comme l’ont fait beaucoup de joueuses, de joueurs et de clubs, si nous continuons à montrer et à assumer cette solidarité et ces décisions importantes, alors je pense que la joie de rejouer au football sera d’autant plus grande. Si nous faisons cela, l’avenir du football sera reluisant. En attendant, nous avons encore beaucoup de travail.